lundi 21 avril 2014

Breezy

Clint Eastwood - 1973
A contre jour, cœur contre cœur, les deux silhouettes, enveloppées dans une discrète pénombre, s'aiment en souriant. Breezy, légère et fulgurante, s’immisce avec une simplicité déconcertante dans la vie de Frank, le mec sérieux et solitaire. Contact fracassant entre la gamine et ce Don Juan bosseur au regard d'acier, placides prunelles dominées par d'épais sourcils froncés vers la déprime, l'austérité qui se dégage du monsieur impressionne. Eastwood dirige d'une main experte ses deux acteurs, trouvant toujours l'angle parfait où poser son objectif, à l'aise sur le siège d'une voiture, entre les pliures d'un drap,en contre bas d'une dune où l'amour éclot , triomphant de l'ennui, distillant son énergie d'un bout à l'autre de la bobine. Le gouffre séparant les deux amants module sa gorge profonde au gré des humeurs, en un frisson, le voilà franchi, les corps se lient, l'épiderme frémit... Le vieux toutou au regard triste s'avance en boitillant, pose doucement sa truffe contre la jambe de son incarnation humaine, gémit mollement et frétille d'amour lorsque Breezy caresse son échine, tout en douceur, tout en riant.






mardi 8 avril 2014

Pandora and the flying dutchman

Albert Lewin - 1951 


  
Adossé contre le torse antique d'une statue de marbre, les orteils nichés sous le sable et l'esprit allégé par l'alcool, le musicien souffle dans son saxophone, emplissant l'air de notes moites et dansantes.
Que règne l’Oisiveté!
Pendant ce temps, à l'abri des regards, sur les flots d'une mer tranquille se terre l'immortel artiste aux doigts de feu. Rythmé par le clapotis des vagues, les coups de pinceau s'enchainent et dévoilent la femme aimée, qui reprend vie sous nos yeux ; et ses mains, écarlates encore du crime qu'elles ont commis, tremblent de ne pouvoir enlacer cette silhouette délicieuse, perdue à jamais.
 A jamais perdue? 
Sur l'île, l'ombre d'une Dame rayonnante assujettit chaque créature croisée sur son chemin. Ivres d'amour, les hommes se jaugent, redoublant d'efforts pour la conquérir. Mais, plus le prix payé est élevé, moins cela l'envoute. Car tant qu'elle n'aura pas aussi donné de sa personne, son désir dévastateur ne pourra être rassasié.
Ô Pandora, divine créature, permets-nous de t'approcher!
A chaque regard, à chaque soupir, au moindre mouvement de lèvre, la voilà maitresse des lieux et des êtres. Ava Gardner irradie littéralement le cadre, au point de tous leur faire perdre la tête. L'Amour n'aura jamais côtoyé la Mort d'aussi près. Amants maudits, ils traversent chaque plan épaule contre épaule, le souffle court, les doigts crispés sur le fourreau de l'Âme, bien décidés à en découdre.
Albert Lewin a parfaitement choisi son cadre : la tranquillité de l'eau offre un contraste de choix aux impétueuses montagnes, témoins agressifs d'événements glaçants. Et ce bar, ce petit bar d'apparence tranquille, accueillera en son sein de brûlants face à face.

Accoudés sur la croupe d'un piano saoul, enivrés d'oniriques volutes d'alcool, le poète, le pilote et l'enfant gâté se noient dans leurs babillages indistincts. Quant au corsaire au cœur amère, il déploie la gran'voile de son navire pour y coucher sa promise, les yeux clos, l'éternité comme horizon.

samedi 5 avril 2014

Her

Spike Jonze - 2013




Le regard planqué derrière ses hublots glissants, la moustache tombante et les épaules affaissées, Joaquin 'coeur brisé' Phoenix traine sa carcasse dépitée sur le sol immaculé de sa vie monotone. Tourmenté par une Idylle consumée, le voilà lové dans les bras du Spleen, à l'aise sur son matelas en débris de verre, le dos lacéré par les restes de son Amour aux ailes tranchées ; hésitant entre la mièvrerie du songe ou le mensonge d'une romance en pixel, Spike Jonze tente de nous offrir un spectacle mignon, vrai, acidulé ERROR SYSTEM ERROR La manœuvre est vaine, la sauce ne prend pas. Les personnages disparaissent derrière leurs propres traits forcés à outrance ; l'étanchéité des décors, l'épanchement des sentiments se télescopent à la sortie du métro, rendant la bouillie indigeste - l'être lambda, hyper-connecté en mode solitaire, surfe sur la hype du loser au coeur fondant, l'impression d'avoir subi c'film un millier de fois. Ce type aux manières mollassonnes et mesurées, cogitant H24 avec ses multiples pensées n'a rien à montrer . Si ce n'est un éclat de fureur, plutôt réussi, lorsqu'il pense perdre Sa-moitié et, qu'à contre courant d'une pensée unique, il galope de toute la frénésie du désespoir vers les entrailles d'un monde aseptisé et dégueulasse, un monde lyophilisé vers lequel nos silhouettes tendent dangereusement.