mercredi 29 février 2012

L'Argent

Robert Bresson, 1983

L'argent se froisse, l'argent se plie, dans les recoins des poches et des sacs à main, il crie. "non, non" "oui, oui". On roule les billets machinalement sans vraiment y croire, l'arnaque, tapit dans un coin sombre d'un coffre vide, attend. Les lignes de texte sont comme ces chiffres que l'on frappe que l'on imprime, à chaud sur les feuilles vertes et grises, 200, 500, pourquoi pas 1000, on recommence. Le pauvre type ère, la bouille ahurie, l'échine courbée, l'alarme sonne, on a été volé. 
Combien, pour la liberté?










"L'homme est trop bizarre, trop contradictoire"

mardi 28 février 2012

Dog Days

Ulrich Seidl, 2001


La chaleur oppresse les corps, qui se sentent alors obligés de se libérer de leurs carcans coton/plastique/tissu. Corps ridés, corps poilus, fente parée à la détente, Seidl alterne habilement les plans fixes/caméra à l'épaule pour tout montrer, étaler la sueur de ses protagonistes perdus, idiots, marrants, coincés, toqués, cloués dans leurs enveloppes charnelles souvent dégueulasses, vieilles, ou trop maigres. Une fois les fastes matinées d'amour passées, que reste-t-il? Un souvenir? La douleur. La peur. Alors on grogne, on baise, on chercher un bouc émissaire pour lui coller nos maux sur la peau, on braille des chansons paillardes s'arrosant le gosier de sperme, Dog Days part parfois dans des envolées lyriques passionnantes, "Tap Tap Tap", la balle de tennis cogne une dernière fois le mur du fond...

lundi 27 février 2012

Le Lys de Brooklyn

Elia Kazan, 1945


Les rues de Brooklyn, pavées d'enfants pouilleux, bouillonnants d'énergie, accouchent d'une électrique atmosphère où s'empoignent et s'embrassent une armée de sentiments. L'amour, yep Sir, l'amour qui envahit 'every goddam' plan, embrasant les êtres et les choses de sa silhouette massive, chaude et menaçante, l'amour du père, artiste rêveur pianotant distraitement do ré mi, petites notes alcoolisées, sur un piano ardent. L'heure tourne, c'est au tour de la Rancoeur d'entrer dans cet appartement miteux, quelques courbettes raz de la poussière, souffle angoissé, affreux raclement d'une danse macabre, la grande faucheuse esquisse un lourd mouvement du bras, l'arbre tombe, mort? Kazan donne à son film des allures de conte, et quel conte.. Habité par des personnages intrigants, intéressants, VIVANTS, bon dieu de Joan Blondell qui irradie littéralement l'écran, même lorsque ses scènes se déroulent dans un intérieur étouffant, poussiéreux, son sourire, ses yeux, accrochent,diffusent et répandent tant de lumière.. Divin!
A little fun on Saturday, that never hurt nobody

mardi 21 février 2012

La Cité des femmes

Frederico Fellini, 1980

Cri de rage d'une blonde peroxydée prête à envoyer son pied dans les parties génitales du pantin, cri de plaisir bourdonnant d'un millier de femmes exquises, rugissement du mâle suintant de stupre et de champagne , comment, ne pas se noyer? Rêve brûlant et interminable, qui, au détour d'un corridor ou d'une chevelure se transforme en cauchemar, attirant, irrésistible, tout en chair et en féminité - Brise-la, recouds-la, secoue-la, bloque-la - Fellini réussit l'impossible, réunit l'improbable : femme soumise, femme objet, femme exquise, femme dégueulasse, cinglée, droguée,  cintrée, magnifique, excitante, angoissante, masochiste, terrifiante, sensuelle, grosse ou vide, vieille ou jeune, mère ou fille, toutes se côtoient dans cet immense bordel coloré, fantasme de toute une vie d'homme au bord de l'abandon, Mastroianni, qui a tout d'un foetus paumé, se débat, agitant sa petite queue hors du corridor vaginal sans fin, sous le regard de ces déesses aux cheveux longs.

dimanche 19 février 2012

au delà du cadre

Lana Turner
Maruschka Detmers

Jean Simmons

jeudi 16 février 2012

Les Maîtres Fous

Jean Rouch, 1955


La bave suinte au rythme des fusils qui claquent, les fluides acides dégoulinent sur les visages possédés, attrape le chien, croque son oreille, le commandant hurle des yeux, le feu brûle les corps, simples boîtes animées d'esprits ravageurs, Jean Rouch ne rate rien. S'il s'agit bien là d'un spectacle fascinant, débordant de vie -à outrance peut être, mais rien de mieux que l'excès!- quelque chose cloche.. les derniers mots, peut être, lorgnant sur un sombre côté moralisateur, dispensables.. car aussi puissant soient-ils, ces hommes-Dieux insensibles au feu ou à la Mort, se voient tout même souillés par une simple caméra, qui réussit à les cerner, les encercler, pénétrer dans leur monde captivant, ils en perdent de leur pouvoir, de leur superbe... 



mercredi 15 février 2012

Millénium (encore!)

David Fincher, 2012


Passé le tourbillon tapageur d'un générique "in", reflet d'une société shootée au speed, accro aux nouvelles technologies et à la fausse violence des corps qui s'entrechoquent, le tout saupoudré de basses bien grasses, il ne reste plus grand chose. Ils ont tous appris leurs lignes de textes par coeur, ça se voit, tout est calculé au millimètre près, nulle place n'est laissée à dame Spontanéité, mais.. l'image étouffe! L'alchimie entre Lisbeth et Blomkvist, si intéressante et essentielle dans Millénium made in Suède n'existe tout simplement pas. Trois scènes de cul bâclées, quelques regards vides de sens, le dégoût s'installe très vite, on est pris pour des pigeons, qui va croire à une telle mascarade? Fincher trimballe sa caméra un peu au hasard, il n'a pas l'air d'en avoir grand chose à foutre, les plans sont soit trop courts soit trop longs, les scènes désuètes voire inutiles s'enchaînent inlassablement, merci de prendre le spectateur pour un attardé, quelle foutue manie que celle de s'attarder 3 plombes sur un nom, un mystère résolu, pour être sûr et certain que cet abruti popcorn le cul dans son fauteuil rouge comprenne bien tout tout tout. Notre imagination est entravée par des chaînes grossières, risibles et dégueulasses, constituées "d'à peu près" ainsi que de clichés grotesques. Une douche, un filet de sang qui s'écoule.. Et la fin. Oser prendre 20 minutes pour raconter une chose que Niels Arden Oplev avait réussi à nous insuffler en l'espace d'une courte minute, mais quelle minute, David, j'appelle ça du remplissage, du blabla pour minettes en chaleur, mec, 2h38 quand on n'a rien à dire, c'est bien long. L'homme qui n'aimait pas les femmes est bien là, il s'appelle Fincher et filme la ridicule-petite Rooney Mara comme un boucher bouché, sans finesse, sans recul, les femmes et autres psychopathes, haha, caricaturés au possible, Daniel Craig, par contre, je m'attendais à voir sa bite en gros plan, tant Fincher semble l'aduler, mais même ça, il n'a pas osé. Indigeste, cet Happy Meal coca Fincha.






mardi 14 février 2012

La Nuit nous appartient

James Gray, 2007


Une latino au bout de la langue, un rail de coke sous les narines, Bobby Green est un Dieu, évoluant dans son monde avec aisance, ignorant les obstacles comme un lion le danger, sorte d'ado branché coincé dans un corps élastique, enjoué et fêtard. Joseph, sa moitié, son frère, (dont il se moque éperdument) ne voit pas les choses de la même manière. Flic modèle, rejeton parfait, aimé du Père tout Puissant, chaque fibre de son être accentue un peu plus le contraste avec Bobby, révélant ainsi le grotesque de la situation. Femme fatale et décoincée sur lit de Cocaïne pour l'un, trou dans la tête et 3 marmots pour l'autre, la Nuit leur appartient, mais à des heures et des jours différents, pour bien comprendre, faut jongler de point de vue, chose que James Gray réussit avec brio. We Own the Night est un film de tensions. Tension morale ou sexuelle, parfois malsaine, exubérante ou religieuse, à la manière du Père, on ne sait plus où donner de la tête, notre coeur manque 2-3 bonds, nos yeux s'écarquillent à toucher le ciel, on baise avec Eva, on deal avec Bobby, on shoot avec Joseph pour enfin mourir avec les autres. Bouleversant.



lundi 13 février 2012

La Belle de Moscou

Rouben Mamoulian, 1957

Couleurs éclatantes, mélodies entêtantes, petits pas de danse osés, claquettes mordantes dirigées d'une main de maître par des notes amoureuses d'un orchestre chaleureux: épatant! Les acteurs pétillent de joie, rayonnent de milles feux, gais reflets d'une ville fantasme, Paris, investie par un robot made in Russia, serrée dans sa ceinture en cuire, ceinture qu'Astaire reluque à chaque plan, les doigts frémissants d'envie de la desserrer.. Son meilleur atout, la musique. Note après note, Ninotchka "You go go go, but you don't get anywhere" se laissera tenter, petit à petit, commençant par chanter d'une voix monocorde, limite vocodée, puis, timidement, ses hanches onduleront, ses bras et jambes fouetteront l'air avec force et vigueur, avec grâce, dans cette immense pièce luxueuse où la caméra semble flotter, les deux êtres se retrouvent et s'aiment, la symbiose est parfaite, le baiser est 'restful, AGAIN'. Drôle à en pleurer, d'une intelligence rare, Silk Stockings est une oeuvre enchanteresse, délicieuse.

samedi 11 février 2012

Meek's Cutoff

Kelly Reichardt, 2011



Les 3 carrioles avancent péniblement, grincements secs et usés de l'effort, dans cet espace hostile, où tout reste à conquérir. La peau frémissante de poussière, le gosier sec, les yeux vaguement perdus au loin, un doigt habile sur la détente, Elle prend les devants. Mais jusqu'où iront ces êtres hagards, insensés, avec leurs boeufs et leur espoir , ridicule caravane mal équipée pour un tel voyage? L'indien les suit de près, de loin, à l'instar de la caméra qui, plan large, plan rapproché, semble avoir peur de ce groupe inconscient, comme si les côtoyer trop longtemps l'emprisonnerait avec eux.. Chaque matin ressemble au précédent, avec juste le niveau d'eau dans le baril qui change, s'amenuisant petit à petit, un peu comme la raison qui s'évapore au fil des plans. Meek's cutoff, film d'Aventure terrifiant, beau et angoissant, n'a de cesse de questionner le spectateur sur ses capacités d'adaptation, d'accoutumance et de résistance

vendredi 10 février 2012

Train de nuit

Diao Yinan, 2008



Coincés entre les parois glacées du compartiment d'un train,entre les vitres sales d'un bus grinçant, recrachés par les volutes de fumée toxiques et compressés par les murs du tribunal,les êtres froids, voyageurs ankylosés par la misère, évoluent peu ou pas, lentement, mesurant leur faits et gestes, apeurés de briser l'équilibre morbide de cette Chine paralysée. Léthargique, parfois ennuyeux mais toujours beau et intrigant, Train de nuit (Ye-che Ye-che Ye-che souffle brûlant de la locomotive agitée) glisse comme il peut à l'écran, zigzague entre les étincelles dangereuses et piquantes des industries, barbotant dans une misère repoussante, fascinante, contradictoire, s'aiment-t-ils?

mardi 7 février 2012

Werner Herzog


Aguirre, la colère de Dieu    1972


Du ciel, un corps céleste plonge tout entier dans l'atmosphère du nouveau monde. La colonie de fourmis descend, avec précaution, cet amas de roches vaporeuses, bercée par les choeurs angéliques de l'eau delà. 
"Je suis la colère de Dieu". 
Colère bornée et intrépide, qui n'a de respect que pour la chaire de sa chaire, colère farouche et insaisissable qui ne peut tenir en place. Aguirre doit se détacher de cette autorité trop pressante, quitte à l'éliminer, tout comme il doit partir, à le recherche d'Eldorado, à bord de ces radeaux de fortune. Animé par un besoin VITAL de gloire et de succès, l'envoyé d'en haut tourbillonnera des jours durant sur cette surface houleuse et dangeureuse, menant son équipage à perte. Entouré, submergé de petits singes, esprits malingres ressuscités qui couinent et le narguent d'un bout à l'autre de l'embarcation, Aguirre persistera dans son délire, rongé par la folie, noyé par les fluides de ce continent qui se joue de lui.




Coeur de verre, 1976


 Croule. Croule. Croule. Croule. Voir. Voir. Voir. Voir. Voir.

Les regards croulent, se perdent dans des paysages somptueux
Les regards sont vides, sont éteints ou retranchés au plus profond des êtres,
l'église de Verre est pleine d'animaux.

Les regards qui osent regarder loin apercevront ceci: une lueur d'espoir, dans le vol des oiseaux

Lueur d'espoir folle et mortelle,  mais aussi fabuleuse parce qu'elle est naïve et qu'elle est , dans la bulle de verre chaudement soufflée, le secret du Verre-Rubis est à jamais conservé..





Embarcations
L'une est funeste
L'autre remplie d'espoir. 
A moins que ce ne soit l'inverse

lundi 6 février 2012

Cloverfield

Matt Reeves, 2008



Film pop-corn quasi idéal, le monstre a tout de même ses faiblesses. Trop court sur patte et légèrement chiffe molle, ça l'empêche pas de foutre les jetons, rugissant après une tripotée d'humanoïdes qui crient comme des Dindons et gloussent d'effroi. Les questions soulevées sont ici multiples: comment sauver sa dulcinée quand on n'est pas foutu de se sauver sois-même? Dieu existe-t-il vraiment? D'où vient la Bestiole? Contrairement à de nombreux films du genre, Cloverfield ne s'embarrasse pas d'explications foireuses et stupides, le Monstre EST et DETRUIT, c'est tout c'qui compte. 
Courir.
Esquiver. Tourner au coin de la rue pour tenter de rejoindre le bon embranchement.
Ne pas être au mauvais endroit, au mauvais moment. 
Se battre contre plus fort que soit, s'unir pour détruire, mais surtout, SURVIVRE

Et c'est là qu'on se rend compte à quel point on aime la vie. Et que les débiles qui en profitent pour piller le magasin d'électronique n'ont décidément rien compris. La bête est immortelle, elle est en chacun de nous, tout le pouvoir d'achat du monde ne pourra rien y changer. Les immeubles titubent au son des armes divines, les alarmes crachent leurs salves démoniaques, mais à quoi bon? Les rats grignotent les restes dont la bête ne veut plus, sous l'oeil pétillant de Dame Liberté mourante, fraîchement décapitée mais dont la prunelle rougeoie d'une lueur démente..









Putty Hill

Matthew Porterfield, 2011 




Quelques noms taggés à la va-vite sur un mur transparent, invisibles pour l'humain lambda car mangés par le béton, une piscine, un plan d'eau, des cigarettes, un skatepark, de l'héroïne et des filles nu(lles), passives, paumées, WHAT ARE YOU DOING TOGETHER? YOU KNOW, JUST HANGING
oui. 
ça traîne, du camé au skateur pro, du tatoué à la grand mère toxico, peu ont finalement quelque chose d'intéressant à dire, même si ça grommelle de plan en plan. Baltimore, la ville fantôme, infestée de Looser et d'âmes en peine, c'est cela, Matthew Portefield, que tu voulais nous montrer? L'une est blonde et l'autre brune, elles ne sont plus d'ici mais pourtant, l'enterrement les ramène dans le 'trou'. Tandis que brunette prendra du bon temps, au milieu d'un petit troupeau sympathique, la blonde vivra un enfer, clairement flippée à l'idée de se retrouver coincée pour toujours, dans cette foutue ville où rien n'avance. Figée. Un poil trop maniéré dans son déroulement, le film peine à se détacher de la morne surface, se contentant de barboter bien loin d'un fond pourtant plein de ressources. A l'instar de la frangine blonde en crise, on veut se barrer, les laisser dans leur bordel, donc ouais, Putty Hill est une errance trop 'cheap', et, malgré une ouverture grandiose, ce fucked up world ne plantera pas son aiguille pleine d'encre dans mon bras.

samedi 4 février 2012

12 Angry Men

Sidney Lumet, 1957




La bêt(is)e humaine n'épargne personne. Du mec farceur pas très futé au diplômé en blablaterie, du mec sans coeur en passant par l'homme chez qui suinte le respect, tous la cajolent, l'idolâtrent et la possèdent. Il suffit qu'un type, un seul, doté d'un peu de bon sens et d'humanité ne lève pas sa main coupable lors du vote sacré, pour que se dérègle et s'emballe la machine des conventions.



L'ennui et la paresse se roulent des pelles, à cheval sur une chaise bancale, grinçants à chaque coup de langue; le pragmatisme agace, la vieillesse grimace et peine à laisser place à la Vérité. 12 hommes perdus autour d'une table allumée, 12 homo sapiens en proie au doute. On ne plaisante pas avec la vie, surtout lorsqu'il est question d'une mise à mort.. Lumet l'a bien compris, et signe un 8 clos épatant, étouffant sur la CONdition humaine et ses schémas idiots, qu'il s'amuse à nous dessiner de manière sarcastique, intelligente, si bien que l'on se prend au jeu...