mardi 10 février 2015

Foxcatcher

Bennett Miller - 2015

Tassé sur son trône aux lignes massives , l'épervier toise la plèbe de son regard carnassier, la bouche entr'ouverte sur l'objectif, prêt à engloutir l'Amérique entière, des orteils à la poitrine .. Un jeune lutteur un peu groggy par les frappes parfaites de son frangin, fraichement débarqué en hélico , trimballe ses larges épaules inébranlables de pièce en pièce, imprégnant le parquet ciré d'une odeur doucereuse de sueur au goût grisaille . Collant ses mirettes au métal froid d'une paire de jumelles ambrées, le voilà qui découvre la biche d'or, l'intouchable maitresse des lieux , juchée sur l'échine de son cheval aux ailes tranchées - si l'on prête attentivement l'oreille, à l'aurore, lorsque l'on se promène aux côtés des geais moqueurs fraichement réveillés, on peut aisément déceler le piaffement des montures faméliques, qui foulent dignement la semence égrainée par les propriétaires des lieux depuis des siècles et des siècles.. Le squelette du renard aux mouvements apathiques hante les immenses pièces de la demeure, habitée depuis toujours par des effluves d'une folie milliardaire bâtie à coups de mitrailleuse, de solitude et d'un dédain princier pour tout ce qui touche au respect de l'homme, de son combat. Le museau plongé dans un tas de poudreuse, le mammifère sent qu'il est temps pour lui de fuir , de déguerpir le plus loin possible , mais pour d'autres il est trop tard, les serres avides de l'Oiseau Fou sont plantées au plus profond des chairs.
Foxcatcher , à la manière d'un animal en chasse, s'immisce lentement dans les esprits, sans se presser. Au fil des secondes qui s’égrainent et recouvrent l'immense propriété d'un pelage froid de neige immaculée, le prédateur déploie ses ailes au maximum, lacérant l'air de son bec, en un râle furieux . La lourdeur des plans entrave quelque peu nos mouvements, impossible de se replier ou même de souffler ; tête à côte irréel avec le diable, et, d'une prise au sol fatale, se crash le volatile.. inconscient, il expose son corps informe et disgracieux aux yeux de tous, espérant encore éblouir une nation depuis toujours désintéressée, et que peut faire une petite cervelle de moineau, face à cette infinie vague d'aliénation?
Il est difficile d'aimer Foxcatcher tant il est farouche et pesant.. Pourtant, une fois la chasse close, on se surprend à repenser à l'animal, et c'est d'un doigt tremblant que l'on caresse la détente...

1 commentaire: