samedi 20 juin 2015

L'île Nue

Kaneto Shindô - 1960

La justesse des corps ployés sous l'effort, protégés par l'Astre invisible, hypnotise.
Que font-il là, solitaires et courbés, usant leurs forces jusqu'à la mort? cultures miteuses, infertiles, les avez-vous ensorcelés?  habile métaphore du drame Hiroshima  la maladie foudroyante qui frappe l'aîné de manière imprévisible, fait suffoquer. Quelques instants plus tôt, les 4 fantômes reprenaient vie à bord d'un gros bateau blanc,  sublime torpille mécanique, puis déambulaient, sourire aux lèvres, dans la grande ville..
Les phrases m'arrivent par bribes, léchées au tronc par le ressac sucré des vagues -- lorsque la mère verse ses larmes d'eau douce sous le regard magnétique de son mari, le cadrage frôle le mystique. On s'attendrait presque à voir surgir le fils de terre, cheveux en bataille et sabre au poing, souriant vers ses parents, pour ensuite...
Une routine musicale traverse le film, tout de même parsemée d'une poignée d'écarts subtils, jetés à la figure du spectateur à la manière de la gifle silencieuse,

laissons-les, à présent, sur leur île maudite,
l’Éternité les réclame 



mercredi 10 juin 2015

Suzanne

Katell Quillévéré - 2013



Trimballant son mioche d'un plan à l'autre comme un vagabond sa mélancolie, Suzanne déstabilise ses proches avec aisance. L'objectif a parfois du mal à la suivre, semblant ne jamais réussir à la cerner ; son père, perdu sur d'éternelles routes invisibles ne percute pas grand chose. Largué devant l’éternel, ses deux gamines sous le bras, le bougre se donne du mal pour tenter de les faire survivre, malgré la distance qui les sépare - car même s'il peut les toucher du bout des doigts, Suz' et sa frangine font bel et bien partie d'un autre monde. Monotone et apaisé pour l'une, langoureux / décérébré pour l'autre. Les deux midinettes se jettent à corps perdu dans l'aventure.. Rien ne trouble leurs plus profondes pulsions, pas même les murs moites d'une prison sans amour. *Katell Quillévéré* dirige son film avec intelligence : des luttes et des remous, il en saisit l'essentiel, découvrant avec délicatesse toute l'étendue de son carnage : Suzanne , à l'instar des véhicules lancés à fond sur le bitume craquelé, n'est qu'une insaisissable chimère dont l'âme entière appartient à un colosse aux mains d'argiles. Mais, pour combien de temps?