dimanche 28 octobre 2012

Le Signe du lion

Eric Rohmer - 1962


 
Le lion rugit sous une nuit sans étoile, les astres de l'indolence luisant au fond de ses yeux, dilapidant une fortune qu'il ne possède pas.. Costume taché, symbole de son errance sans fin dans cette ville agressive, Paris l'oppresse, les foules contre son corps, les femmes contre son coeur, le roi des animaux rumine, perdu dans son immense cage aux barreaux sculptés dans le bois Paresse. Milles occasions s'offrent à lui, mais il est trop pataud pour les saisir, borné dans son inexistence, à la fois timide et rayonnant, d'une sorte de rage enfouie sous ses traits d'ours triste, il boite, la patte nue, le froc taché. Rohmer signe une terrible ballade de l'homme en perdition , main dans la main avec l'impressionnant violon faussé, âpre symbole d'une soirée où tout a basculé.. Le vent tourne, guidé par la musique, et d'un bond, un seul, le lion réintègre sa flegme stupidité d'antan. Brillant personnage.

samedi 27 octobre 2012

Raging Bull

Martin Scorsese - 1981
Habité d'une fureur animale, La Motta enchaine les coups sans souffler, terrible pluie de météorites qui transperce le ring en sifflant, cri de rage du taureau flamboyant de sueur, acclamé par une foule toute aussi dangereuse, fin du premier round. Début du second, apparition nacrée de l'ange blond, qui d'un battement de jambes dans l'eau chlorée attise le désir, la posséder, voilà son envie la plus chère révélée ; coquette romance, douceur des gestes, contraste énorme avec le 3ème round, où tout s'emballe, les plans se raccourcissent, les coups se font plus durs, impitoyables, " COOOME OOOON" braille le cadavre trempé, giclant du sang par tous les pores, gros plan sur le liquide vermeille qui dégouline des cordes, sourire provocateur de l'enragé, dernier round : victoire par K-O, La Motta s'engraisse et fait le pitre, un micro collé aux lèvres, le même qui, quelques années plus tôt descendait du ciel pour annoncer le fight, terrible ambassadeur en suspension, le temps s'arrête, et seul s'agite le boxeur, dansant avec son ombre, la seule qui, finalement, sera capable de le suivre.

vendredi 26 octobre 2012

The Chumscrubber

Arie Posin - 2004

Les pilules craquent sous les dents, doucement, un souffle froid, le désespoir, agite les corps pendus, LES PAUVRES CONS, ils sont tous perdus. Éclatement des familles, implosions des sentiments, les cadres débordent de non-dit, sous l'oeil avisé d'une caméra omnisciente, poussant le vice jusqu'à plonger dans l'eau chlorée, à deux reprises, exploration tendancieuse d'un corps parfait, découverte d'un monde parallèle, dérèglement du temps - tout par en vrille, dans ce monde en pixel où les névroses se multiplient, bourdonnant aux tempes trempées de tous ces bougres, tas de dégénérés.

lundi 22 octobre 2012

Factotum

Bent Hamer - 2005 

Hank Chinaski enchaîne les verres aussi aisément que les petits boulots, rythmant ses journées ainsi: clopes FEMME écriture FEMME clopes. Caressante voix-off venue d'un autre monde, lasse du quotidien, morne finalement, terriblement froid quand la femme aimée n'est plus là pour englober les plans de sa chaleur, féminine et vaginale. La société vomit ces tas d'ivrognes à la recherche d'une bonne gorgée qui guérira les mots, -forget the woman- Errance opaque et léthargique, passée reine dans l'art de la désillusion, alors, dis-moi, une fois la meuf partie, que reste-t-il? Matt Dillon, épatant.

Crimes à Oxford

Alex de la Iglesia - 2008


Une musique feutrée s'immisce doucement au travers des vitraux de l’amphithéâtre, majestueux sanctuaire où les esprits cogitent et s'affrontent, puis, délicatement s'accroche entre les pages poussiéreuses de nombreux volumes complexes.. Plus tôt, le film s'ouvrait sur une séquence inouïe, victoire sans appel de la pensée mathématiques sur tout autre agissement typique des bêtes humaines. La logique des chiffres, implacable, fascinante, trouve ici un décors à sa mesure pour s'y étendre, l'axe des abscisses opère une translation osée afin de côtoyer parallèlement, au plus près, toutes les autres données, tous ces êtres qui s'agitent, avec leur pensée propre, et, tout comme les balles au squash, leurs trajectoires se révèlent imprévisibles. Oxford, légendaire lieu de savoir , ouvre grand la bouche et avale ces pions, qui surnagent à coup d'équations au plus profond de ses entrailles. de la Iglesia s'amuse, déplaçant la caméra à coup d'envie, alternant d'intenses gros plans sur les regards -géométriques, toujours, les angles des pupilles, vers une feuille, vers l'adversaire, voire même l'imaginaire- et d'habiles plongées au coeur de l'environnement en apparence chaleureux, et pourtant si hostile; peu importe ici le fin mot de l'histoire, aussi prévisible soit-il, le chemin qu'empruntent les personnages est bien plus divertissant que prévu.



dimanche 21 octobre 2012

Kill List

Ben Wheatley - 2011


L'hémoglobine et mon ennui giclent en rythme; toutefois, Kill List arrive, aux détours de quelques plans astucieux et cadrages un peu fous, à me sortir de ma torpeur: je me laisse donc porter jusqu'au bout de cette descente aux Enfers parsemée d'éclats de rages, vibrante de folie pure.
tout de même, à oublier.

home

Ursula Meier - 2008 


 L'autoroute craquelée défile sous nos yeux, les barrières arrachées, les corps s'y déplacent et s'y confondent au gré de leurs envies, sans entraves. Puis débarque la cavalerie, d'imposant camions dégueulent alors des litres de goudron, mélasse bouillante qui s'insinue dans les trous , trous de peau ou de béton. Les rides, les défauts, quittent la route et viennent se coller à leurs dos, s'immiscent doucement dans leurs âmes, ils perdent le contrôle; leurs sentiments , sauvages et ravageurs s'expriment, par le biais d'actions plus ou moins fantasques, tout par en latte, dans cette baraque.

lundi 15 octobre 2012

John John

Brillante Mendoza - 2007

Adorable gamin à la bouille ahurie, symbole galopant de l'unique talent de Thelma, John John attire notre regard - tout nu, malade ou endormi, le petit garçon se dévoile, avec pudeur et innocence, Mendoza s'éloigne , incapable de s'immiscer plus en avant, lors de la séquence du bain: cette scène appartient à la mère et au petit garçon, on a juste le droit de la balayer du regard. Miss Bianca pénètre dans le Bidonville avec difficulté - elle connaît le chemin et la plupart des habitants, cependant, Thelma s'y mouvra d'une toute autre manière, bien plus intime et gracieuse , l'enfant dans les bras, avec cette terrible douleur au fond de la poitrine , elle le sait, la destination de ce périple, à l'extrémité des rues boueuses NE PAS Y PENSER, sourire, profiter, s'agiter pour oublier. Dieu seul sait comment, la caméra se place idéalement, à chaque fois, captant de tout son être mécanique les regards, les sourires, multipliant les rencontres, peignant d'un coup d'objectif fugace toute la grandeur de son dévouement, Thelma, ton coeur saigne une nouvelle fois, mais ce coup là, est plus profond que tu ne crois..

mardi 9 octobre 2012

Ex Drummer

Koen Mortier - 2007

Les corps à poil sur le matelas s'défoncent les trous sur de la musique bandante, il a la classe, l'autre, clope au bec, cuir sur le dos, mèche indisciplinées lui brouillant l'regard. Groupe punk foireux porte étendard d'un No Future boursouflé, la société va mal, vieille pute aux fesses craquelées, qui traîne ses tares tout le long du jour, un maître, des pantins, le dernier pet du roi Baudoin mis en musique, crachat dans le micro saoulé, un verre d'eau pour l'homme en noir, s'vouplait.. troublant coucher de soleil caché par les volutes de fumée 'garette, la dernière avant la répète....

 


Tiresia

Bertrand Bonello - 2003 


Celui qui voit, n'a plus d'yeux pour admirer son corps. Comme les cheveux qui l'encombrent, la première partie du film est épaisse, longue et foncée. Puis, son souffle s'emballe, crâne rasé, mis à nu, le prophète naît des décombres de la tourmente, distribue les saintes paroles aux fidèles , les yeux humides, blancs comme un tourbillon de lumière.

De bruit et de fureur

Jean Claude Brisseau - 1988 

Le petit prince à l'innocence nacrée, pose sa silhouette dans cette immense cage en béton, boursouflée de tours menaçantes, où les fous mènent une danse macabre, que rien ne semble pouvoir altérer. Le faucon de feu, éternel symbole d'une liberté volage, se pose délicatement sur l'épaule de la femme aux seins nus. Le bruit d'un fusil qui troue, la fureur d'un gamin paumé, les flammes , avec appétit , dévorent les frusques moisies qui jonchent ce sol hermétique. L'innocent lui plaît. Car il observe en silence , faisant de lui l'homme de la situation. Alors il redouble d'efforts pour montrer qu'il existe, pour montrer qu'il est le plus fort. Libre? Le vieux, dans la chambre jouet est allongé, muet , gavé de glaires , sur un matelas de vices. Plaques v(i)olées, pistolet vengeur, c'est bien dans cet appartement que couche la Terreur. Cet homme dangereux, que le gamin admire, sème le doute dans les esprits troublés. BAAAM. le mal est fait. Mais alors que la femme aux cheveux dorés - contrastant tout à fait avec la Nue et la fantomatique mère vacante- tente d'éclairer le coeur de l'enfant, la moto volée déraille, les êtres baisent dans la ferraille et de ce prodigieux foutoir que rien n'arrête, naît une paradoxale lueur d'espoir. Tel le phoenix ainsi régurgité de ses cendres, l'enfant lumière déploie ses ailes, défie l'apesanteur et vole jusqu'à son étoile, celle qui veille et qui répand de puissants jets de lumières sur les êtres aimés. Les figures s'estompent alors mais pas les mots, les mots au mur ou sur les feuilles, les mots aussi , qui, en suspend, calment la révolte..